Je suis de la génération des enfants qui chantaient : « Quand un gendarme rit dans la gendarmerie… » Il y avait alors une caserne où vivaient des familles, dont les enfants fréquentaient la même école que moi, et où les jeunes gendarmes le dimanche, jouaient dans l’équipe première de football. 

Tous les matins, deux gendarmes posaient leur bicyclette contre l’atelier de mon grand-père pour discuter un moment avec lui. 

Ils se rendaient à un carrefour de la RN 88 pour surveiller la circulation automobile.  Ils étaient coiffés d’un képi, habillés de vareuses à boutons chromés et portaient des guêtres de cuir. Ils savaient rire aux histoires de bon papa, avant de remonter sur leur bécane, dont le cadre supportait un cartable de cuir, semblable à celui d’un élève candidat au BEPC.

Généralement, ils étaient au courant de tout ce qui pouvait se passer dans le canton, et de tout ce qui s’y était passé après la guerre. 

Par exemple, ils étaient au courant de la rancune qu’entretenaient depuis des lustres, deux fermiers de la commune, à propos d’un droit de passage, un simple chemin à vaches.  Une nouvelle famille, venu d’ailleurs, s’installait dans le bourg, ils allaient aussitôt lui rendre une visite de courtoisie. 

Le jour de la fête du village, ils étaient toujours deux à surveiller la buvette proche du bal populaire, afin de mettre fin aux libations qui pouvaient dégénérer très vite en bagarres. 

Et pour éviter de continuer à décrire, que c’était mieux avant, je me dois d’avouer, que les gendarmes de Saint-Chély-d’Aubrac en 2003 sont venus nous rendre visite, quand, avec mon épouse, nous nous sommes installés dans l’Aubrac, où ils connaissaient tous nos voisins. D’ailleurs, en leur compagnie, ils ont pris le temps de discuter quelques minutes, et ont pris des nouvelles de leur fille, ou de leur fils qui poursuivaient leurs études à Montpellier ou à Toulouse… 

J’écris ces lignes sans aucune nostalgie, même si les gendarmeries de cantons ont été supprimées, et que vingt ans après, il ne soit quotidiennement question, que d’insécurité.

Ces jours-ci, je suis tombé de ma chaise, quand j’ai lu dans la presse départementale, que l’on venait de livrer à la Gendarmerie aveyronnaise un véhicule spécial, « un outil de proximité adapté à toutes les missions et à l’efficacité qu’elles exigent ». Une sorte de camion ou de camping-car baptisé : « Vemop », qui peut être à l’aise nous dit-on, dans toutes situations nécessitant la présence des gendarmes : foires, représentations théâtrales, bureau de recrutement, etc. Je n’ai encore rien lu, à propos de bals populaires, ni des fêtes votives.

Le regrette un peu, car le « Vemop » aurait sûrement pu empêcher la mort de Thomas, 16 ans, jeune rugbyman de Crepol dans la Drôme, à l’issue d’une bagarre générale qui a fait 9 blessés. Je me demande seulement, si le fameux « Vemop » de la gendarmerie, invention de notre technocratie en pointe, serait arrivé à temps ?…